Le carnet du CFC
Petite histoire de la ligne de Paris à Saint Germain-en-Laye - 1/3
MAD
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Les balbutiements
Avant le chemin de fer on voyageait, à pied, à cheval, en
voiture publique, en vinaigrette (voiture à 2 roues pour une
seule personne tiré par un homme et poussé par une femme ou un
enfant), en chaise à porteur encore en activité.
Quand
on inaugura le ligne de chemin de
fer de Paris à St Germain, il y avait déjà 500 Km de voie
ferrées en France.
La première ligne ferrée fut celle de Sain-Étienne à
Andrézieux pour le transport du charbon en mai 1927, à
l’exclusion des voyageurs. Elle avait 28 kilomètres. Puis
vint celle de Saint-Étienne à Lyon construite entre 1827 et
1932 (56 km), celle d’Andrézieux à Roanne (67 km).
D’autres existaient : Alais, Valteuse, Épinac,
Montbrisson…
En
Angleterre
les trains transportaient déjà les voyageurs et la France
frileuse était en retard mais les journaux publiaient de
nombreux articles en faveur de ce développement nouveau, soutenu
par les Saint Simoniens1.
L’ingénieur Perdonnet publia un
Mémoire sur les chemins à ornières et ouvrit en 1831 un cours
à l’École des Arts et Manufactures.
L’École des Ponts & Chaussés, Thiers, ministre des
travaux publics, Arago et d’autres noms et institutions
n’étaient pas favorables au développement du chemin de
fer.
La ligne Saint-Étienne à Andrézieux n’était pas non plus
un exemple de simplicité et de commodité avec ses multiples
changements de traction (cheval, câble, treuil, gravité…).
À Paris au contraire, on se voyait déjà partir le matin,
déjeuner à Strasbourg puis arriver à Lyon pour le soir. De
même la pêche de Concarneau ou les fruits de Cavaillon arrivant
le soir sur les tables parisiennes laissaient espérer une
révolution dans les modes de vie. Le succès prometteur de cette
invention et l’enthousiasme, de certains propriétaires
firent que ces derniers allaient jusqu’à offrir
gratuitement des terrains pour la construction de la ligne de
Paris à St Germain. Depuis Louis XIV, l'Ouest parisien a
toujours été attractif. Ne parle-t-on pas déjà d'un chemin de
fer de Paris à Rouen et Le Havre ? et le Pecq était à
l'époque un port marchand de grande importance relié à la mer.
La
construction d'une courte ligne (19
Km) serait idéale en termes de coûts de premier établissement
avec un terminus dans Paris intra-muros qui deviendrait la tête
de ligne d'un véritable réseau.
Le projet des frères Pereire était évalué à cinq millions de
francs, James de Rothschild se laissa convaincre et mit un pied
sur le terrain de l'industrie.
En 1835, la Chambre des députés discuta de la concession et une
loi fut promulguée, revêtue du sceau du Roi Louis-Philippe.
La construction
Bien
que la
construction des premiers chemins de fer occasionnaient des
pertes aux actionnaires, bien que l’exploitation était
souvent déficitaire, on tenta la construction de la ligne de
Paris au port du Pecq dans un premier temps, ligne qui assurerait
le transports des voyageurs mais aussi des marchandises en
communication avec Rouen et Le Havre.
En 1835, une loi votée le 9 juillet concéda pour
quatre-vingt-dix-neuf années à Émile Pereire1 une ligne de
19,4 Km à l’Ouest de Paris en direction de St Germain.
L’ingénieur Eugène Flachat et le baron de Rothschild
associés au projet étaient de sérieux piliers pour la
réussite de cette aventure.
On hésita pour établir
la
gare de départ : La Madeleine, la place de l’Europe,
c’est cette dernière qui fut finalement choisie. Pour les
marchandises, on établit la gare au-delà du pont Cardinet.
À la sortie de Paris, tunnels, tranchées et remblais
constituent la plate-forme qui même au pont d’Asnières,
premier franchissement de la Seine (1835) puis la voie courre
vers l’Ouest, dessert Clichy, Colombes, Nanterre, (Rueil en
1843).
L'embarcadère
de Tivoli. Au premier
plan le tunnel des Batignolles et au fond le tunnel de l'Europe.
Alfred Armand, architecte.
Les expropriations, pour cause d'utilité publique, autorisées par une loi de 1833 allaient bon train. La voie franchit à nouveau la Seine entre Rueil et Chatou et file tout droit à travers les bois du Vésinet et se termine au Pecq sur la rive droite de la Seine. La gare des voyageurs est à gauche du pont, celle des marchandises sur la droite.
Carte
de la ligne de chemin de fer de
Paris à Saint Germain avec notice descriptive des travaux d'art
de A. M. Perrot.
Comme on le voit sur la carte le terminus n'est pas situé à
Saint Germain mais au Pecq, sur la rive droite de la Seine. Pour
rejoindre Saint Germain, des voitures omnibus acheminent les
voyageurs au château pour la somme de 25 centimes. Des bateaux
à vapeur les emmènent du Pecq à Maisons-Laffitte ou à Rouen
en huit heures.
En mars 1827,
le ministre des Travaux publics visita le chantier et fut
émerveillé par la qualité des réalisations et la rapidité
d'exécution.
La construction de la ligne s’acheva en juillet 1837.
L’inauguration eut lieu le 24 août.
Paris vient de s’enrichir d’une gloire nouvelle. La
même année que l’on admire l’Obélisque de Louxor et
l’Arc de Triomphe lui donne encore le chemin de fer.
(Jules Janin).
L'inauguration le 24 août 1837.
Tableau de Michel Lamarche
Ce
jour, la Reine Amélie tint à
participer à l’événement, accompagnée du duc
d’Orléans, la duchesse et les ducs d’Aumale et de
Montpensier, de MM. Lamé et Clapeyron, ingénieurs du chemin de
fer
Le Roi, de part sa fonction, ne pouvait s’exposer à un
éventuel danger (déjà victime de plusieurs attentats) tant la
nouveauté de l’expérience était encore inconnue. Il
n’y participa donc pas.
Émile Pereire, le baron de Rothschild accueillirent la
souveraine, place de l’Europe et une fois tous les présents
montés à bord des voitures, c’est la Reine elle-même qui
donna le départ. Le convoi, composé de sept voitures, démarra
à 2 heures 30 de l’après-midi (14h30). L’instant fut
solennel, six cents personnes étaient à bord.
À côté du mécanicien Adrien Poncet, l’ingénieur Eugène
Flachat pris place, ainsi que deux aides. Le train fut admiré
tout au long du trajet. Le voyage dura vingt-cinq minutes (ou
trente-cinq, selon les sources) et se fit sans incident. Le
lendemain se furent trois ministres et des notables de la
finance, de l’industrie et de la politique qui firent le
trajet.
Les journaux, le théâtre relatèrent l’événement, la
caricature aussi sans se priver.
Le
surlendemain de l’inauguration
18 000 voyageurs prirent de train de Paris au Pecq. Certains
trains furent même doublés
Un an plus tard, la Compagnie possédait 105 voitures, 12
locomotives, capables de transporter 20 000 voyageurs par
jour. Au 31 décembre 500 000 voyageurs furent transportés
et la recette fut de 600 000 francs.
Le prix du billet était de 1,50 fr en voiture garnie et de 1 fr
en wagon simple. Le dimanche, le prix était plus cher.
L'arrivée en gare du Pecq - Les premiers trains de voyageurs
en France
L’Association des Artistes Alpicois a réalisé une très
grande fresque sur le chemin de fer au Pecq. Elle a été
installée sur un mur de la grande salle de réunion du Pôle
associatif Wilson (ancienne école Wilson construite sur le site
de la première gare du Pecq), 6 avenue de la Paix au Pecq.
La
gare de 1837 était face à la Seine
à l'angle de la Route royale n° 190 et du quai de l'Orme de
Sully. Le bâtiment construit par Alfred Arnaud avait 40 m de
façade sur les deux voiries et s'élevait sur deux étages.
Chaque côté du bâtiment central comportait un corps centrale
de cinq fenêtres et était flanqué de deux ailes en comportant
trois.
Les voies de fer pénétraient au centre de l'édifice qui fut à
peine terminé pour le jour de l'inauguration.
À l'intérieur étaient disposés les bureaux de délivrance des
billets, une salle de dépôt des bagages, une salle d'attente et
divers autres bureaux pour le chef de gare, le commissaire et le
corps de garde.
Les diligences et autres véhicule hippomobiles étaient garés
de chaque côté des voies.
Derrière, en diagonales, trois voies étaient reliées en leur
extrémité par des plaque tournantes qui permettait de remettre
la machine en tête pour un nouveau départ vers Saint Lazare.
Longues de 100 m., elle étaient encadrées de quai pour
débarquer.
Une heure après une fastueuse réception, le train repartit vers
Paris où il arrivait vers 4h30 de l'après-midi.
Les trois premières locomotives étaient devisées La Seine, Saint-Germain et Louis- Philippe. Aucune n'a été conservée.
Les premières locomotives à vapeur étaient des 110 ou des 111
tender d'origine anglaise, ayant un unique essieu moteur.
En-tête d'un album édité par " L'Illustration
" en 1846 montrant une locomotive anglaise type 111 à
essieux indépendants. En fond, on voit le viaduc gravissant la
rampe de 3,5 % et l'arrivée du train en haut de la côte.
Les voitures
Au
début les voitures étaient
construites en bois de chêne comme on fabriquait les voitures
hippomobiles. Des ferrures consolidaient les assemblages qui
constituait la caisse suspendue au châssis par des ressorts.
L'extrémité des châssis comportait des tampons de chocs
élastiques pour les voitures de 1ère classe. Les
voitures de 2ème et 3ème classe avaient
des tampons secs.
Une place était réservée pour le conducteur (Chef de train).
1838,
voiture de 1ère classe
classe, dite "Diligence" de la Compagnie Paris
Saint Germain Voiture
1840,
voiture de 3ème
classe, munie d'un toit et de rideaux.
Les premières voitures de 3ème classe n'avaient pas
de toit, on les nommait "Chars à bancs".
1840,
voiture 1ère classe à
trois compartiments galbés dite "Berline" de la
Compagnie Versailles RD
Caricature d'un
train dans les années 1843 avec en queue des voitures de
troisième classe. Noter que les voitures sont toutes à trois
essieux. Lithogravure de Victor Adam, collection P.
Lichtenberger.
Noter la présence du garde-voie.
Le train comprend trois classes de confort et de luxe décroissant. La troisième classe, disparue dans les années 1950, proposait de simples "chars à bancs" découverts.
Vers les années 1883, les voitures Bidel originellement du
réseau de l'Est apparurent. Elles étaient à impériales,
d'abord ouvertes à l'étage puis fermées à partir de 1883. En
1938 à la création de la SNCF il y en avait encore 710. Elles
disparurent en 1949.
Sur les photos, la voiture Bidel 20076, conservée au Musée de
Mulhouse et à côté celles des derniers trains sur la ligne
Enghien—Montmorency.
La Compagnie s'est inspirée comme les chemins de fer en général de trois grands corps : la marine, la cavalerie et l'armée. Aussi habilla-t-elle ses agents de toutes spécialités et de tous grades.
Ici ce sont de gauche à droite, le conducteur en burnous, le
chef de convoi en grande tenue, le surveillant de la gare de
Paris en redingote, et l'aiguilleur en tenue d'été et en grande
tenue.
Le
chemin de fer atmosphérique
Le chemin de fer atmosphérique de 1847 à 1860 à la mémoire
d'Emmanuel Beau, historien de St Germain.
Saint
Germain-en-Laye, sur la rive gauche de la Seine, était à 51 m
plus haut que la station du Pecq, ce qui imposait la construction
d’une courbe de détachement par rapport à la ligne
originelle, d'un viaduc sur la Seine, d’une plate-forme en
rampe de 3,5 %, suivie d'une tranchée encadrée par deux tunnels
pour parvenir à la terrasse du Château.
En
plus de la contrainte technique il y
avait la contrainte financière pour assurer les fonds
nécessaires à la réalisation du projet.
En outre, aucune locomotive de l’époque n’était
capable de gravir une telle rampe.
Dès 1843, en
Angleterre un système de traction atmosphérique avait été
conçu et semblait fonctionner.
Pour le Paris—Saint Germain, restait le financement de
l’opération. La Compagnie s’engagea à couvrir le
surplus des diverses subventions.
Le 9 août 1844, une loi fut votée et les travaux commencèrent,
l’année suivante, sous la direction de l’Ingénieur
Eugène Flachat2.
Des expérimentations de mouvements mus par la force motrice de
l’atmosphères avaient déjà vu le jour (transport de
paquets) et divers ingénieurs (Denis Papin, Medhurst,
Pinkus…) avaient travaillé sur l'obtention du vide.
C’est
le chemin de fer de Kingstown
à Dalkey en Irlande qui fut retenu comme procédé le plus à
même de s’appliquer au chemin de fer atmosphérique de
Saint Germain.
Une expérimentation fut entreprise en plaine entre Nanterre et
le Pecq. Les travaux furent confiés à Eugène Flachat et
commencèrent en avril 1845.
La portion de
ligne prit naissance à 1,5 kilomètres avant la gare du Pecq, à
600 mètres en aval de la rive droite de la Seine par une courbe
de 600 mètres de rayon. La rampe est progressive pour atteindre
la valeur de 3,5 % au niveau du viaduc et jusqu’au sommet de
la colline.
Un tube d’un diamètre de 630 mm. fut installé dans
l'entre-voie. Ce tube imaginé par les ingénieurs Clegg et
Samuda était fendu longitudinalement pour laisser passer la lame
de traction reliant le piston (situé dans le tube) au wagon
directeur. Une semelle de cuir, de part et d’autre de la
fente s’ouvrait et se refermait après le passage de la lame
en assurant l’étanchéité (relative) dont la perte
évaluée à un tiers de la pression était compensée par la
production de vide dans le tube.
La fabrication des tuyaux fut confiée à Schneider, Wendel, et
É. Martin.
Après deux années de travaux coûteux, le système
atmosphérique fut mis en service en avril 1847.
Divers ponts en
pierre et en bois furent construits pour les traversées de
routes nationale et de Montesson puis de la Seine.
Sur le coteau, deux tunnels encadrant une tranchée permirent
l’accès au terminus.
Le wagon
directeur relié au piston qui circule par dépression dans le
tube par une lame d'acier qui au passage ouvre puis referme les
lèvres de cuir qui en théorie assure l'étanchéité.
Wagon directeur de 1ère et 2ème classe du
chemin de fer atmosphérique. Noter à droite le roue dont la
fonction est de refermer les lèvres du cuir après le passage du
wagon directeur.
Pour la production de vide deux machines à vapeur de 200 chevaux
actionnaient des pompes pneumatiques qui assuraient un vide de 4
m3/seconde.
Elles étaient installées sur le terrain de la gare de
marchandises. D'autres pompes existaient à Nanterre et à
Chatou.
ll est à noter que l'ingénieur Flachat apporta de nombreux
perfectionnements au système anglais. Ces travaux suscitèrent
une grande admiration et par la suite des visites du bâtiment
abritant les machines et pompes furent organisées.
La gare de Saint Germain-en-Laye en 1847. Alfred Armand, architecte. | La gare de Saint Germain. Noter au fond à droite, le bâtiment abritant les machines à vapeur et les pompes pneumatiques du chemin de fer atmosphérique. |
Plan
du plain-pied avec la demi-rotonde orientée vers la ville
comprenant la salle des pas perdus et des salles d'attente
éclairées par de hautes baies vitrées en plein cintre. À l'intérieur, une bibliothèque, un banc à bagages et divers bureaux occupaient l'espace. |
Plan
des voies, sept mètres plus bas. Un ascenseur et deux escaliers
accédaient aux quais comprenant deux groupes de doubles voies
reliées par des plaques tournantes permettant au wagon directeur
de se remettre en tête de la rame. Un autre groupe de cinq voies de garage complétait l'installation. |
Au Pecq, le
train s’arrêtait, la machine était alors dételée et
passait derrière la rame pour la pousse. À Saint Germain, à
l'extrémité du tube la soupape obturatrice se fermait. Le wagon
directeur venait alors s’atteler à la rame. Un signal
télégraphique donnait le départ, l’air du tube était
aspiré et le tout gravissait la rampe en trois minutes. Les manœuvres du wagon directeur pour l'attelage et le dételage
s'effectuaient à l'aide de cabestans.
Pour la descente, c‘est la gravité qui était utilisée et
au Pecq, le wagon directeur était dételé.
De ce système unique, il ne reste rien, hormis un segment de
piston qui fut exposé à l’Exposition universelle en 1900
et conservé par le Musée des Arts et Métiers.
Pendant
cette période de treize ans,
les trains circulèrent de bout en bout et dans des deux sens de
7 heures du matin à 10 heures du soir et desservaient toutes les
stations : Le Vésinet, Chatou, Rueil, Nanterre, Colombes et
Paris.
Le trajet coûtait 1,40 fr en semaine et 1,65 le dimanche.
Un livre des réclamations était à la disposition des voyageurs
en gare du Pecq.
Lors
de l'inauguration du chemin de fer
atmosphérique, une machine devisée Hercule, de forte
puissance prouva sa capacité à remorquer le train jusqu'au
Château. Ce qui fit douter Émile Pereire sur les bienfaits du
chemin de fer atmosphérique.
Entre 1847 et 1860 la construction des locomotives fit de grands
progrès de vitesse et de puissance.
Dispendieux, insuffisant, peu pratique, le système
atmosphérique fut remplacé en 1860 par des locomotives plus
puissantes capables d'assurer la totalité du service de Paris à
Saint Germain.
L'accident fatal de septembre 1856 fit que la Compagnie de
l'Ouest, qui exploitait alors la ligne, prit la ferme décision
d'abandonner le système atmosphérique et de le remplacer par de
nouvelles locomotives.
C'est sous la
direction du Préfet Claude, Joseph Brandelys Green, comte de
Saint Marsault, préfet de Seine-&-Oise qu'en février 1860,
il est question de supprimer le chemin de fer atmosphérique et
de la remplacer par des locomotives ordinaires.
Notes
:
Sources :
Sites : |
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