Le carnet du CFC

La Société des Produits Chimiques de Clamecy de 1853 à 1953.

MAD

La société Rhône-Poulenc pour laquelle j'ai travaillé jusqu'à la fusion avec Hoechst Marion Roussell en 2000 était le groupe chimique le plus important de France et un leader mondial de la chimie de base et des spécialités chimiques. 
C'est précisément de sa division "Spécialités chimiques" que dépendait l'usine de Clamecy qui jusque dans les années 60 était spécialisée dans la distillation du bois.

Rappel historique.
En 1894, Monsieur Houdé, se rend acquéreur d'un moulin à écorces (Moulin de Marcelot) et fonde avec un chimiste spécialiste du bois, la Société Barillot, Houdé & Cie. En 1898, cette société est remaniée et prend le nom de Houdé & Cie qui exploite jusqu'en 1909.
Ensuite Monsieur Houdé s'associe à un industriel de la carbonisation pour donner plus d'importance à l'affaire qui devient la Société A. Houdé - L. Cognat qui exploite jusqu'en 1912.
Le laboratoire Houdé est racheté par HMR (Hoechst, Marion, Roussell).

Bizarrerie des "cession/acquisition" , Houdé devient SPCC et est ensuite racheté par Rhône-Poulenc. Par ailleurs le laboratoire Houdé (pharmacie) est racheté par HMR. En 2000, RP et HMR fusionnent pour devenir Aventis.

Vue générale de l'usine en 1951
Une autre vue aérienne de l'usine. 
  • Photo de gauche : Noter les nombreuses rames de wagonnets en V60 chargées de bois, le long des hangars et le long du canal. On remarquera les 6 rames prêtes à rentrer dans les séchoirs. On voit sur cette photo l'importance de la V60 pour la desserte des différentes parties du site.
  • Sur cette photo, on voit très bien à droite le BV de la gare PLM de Clamecy. Le raccordement se fait en bas à droite (hors cadre) de la photo.

L'usine située à Clamecy dans la Nièvre comporte 24 fours de 4,5 stères et peut traiter 65000 stères de bois par an.
Pendant la guerre de 1914-18, elle rend des services à la nation avec la production de matériels chimiques de guerre, pour l'artillerie navale et l'aviation naissante.
En 1919, les gérants disparaissent et c'est Monsieur Brulfer & Cie qui reprend l'activité dont la raison sociale se transforme en Société des Produits Chimiques de Clamecy en 1922.
En 1926, l'usine atteint une carbonisation de 150000 stères et le capital passe de 6 à 12 millions.
En 1938 la production atteint 170000 puis redescend à 70000 stères en 1944.
En 1947-8, la production retrouve son niveau de 170000 stères par an et le capital est porté à 275 millions en 1949.
Dans les années 50 l'usine produit :

Ultérieurement, une production d'acétate de plomb viendra compléter la gamme des dérivés acétiques, ainsi qu'une production de formol utilisant le méthanol de la carbonisation de synthèse.
Une dernière modernisation (four de 550 tonnes/jour) achève de donner à l'usine une dimension européenne.

D'une superficie de 50 hectares, l'usine est située en bordure du canal du nivernais et à côté de la gare à laquelle elle est reliée .

Dans mon cadre professionnel (formation) j'étais amené à aller à Clamecy pour former des équipes sur des logiciels. C'était l'époque des balbutiements de la micro-informatique appliquée aux centres industriels. Cette nouvelle activité passait du tertiaire au secondaire et c'est avec plaisir que je quittais les bureaux du siège pour rejoindre les usines dont celle de la SPCC rachetée par Rhône-Poulenc fin des années 60 suite à la volonté de regroupement de l'industrie chimique française (Bureau des fusions et regroupements d'entreprises auprès du Ministère de l'Industrie créé en 1967).

La spécialité de l'usine de Clamecy était donc la carbonisation du bois, procédé de loin plus rentable que l'hydrolyse ou la gazéification.
Le ravitaillement en bois se faisait à partir des régions forestières parfois fort éloignées : 

1930. Déchargement des péniches. Noter le wagonnet de bois suspendu au fil de la grue.
Un des 60 wagons VN de l'usine destiné à l'acheminement du bois vers l'usine. Capacité 60 m3. Ces wagons ressemblent assez aux wagons TP américains.
Arrivée d'une rame de wagons particuliers chargés de bois, tractée par une locomotive 030T bi-cabine.
Une partie de la gare. Noter la bi-cabine à gauche à côté du hangar.

Voie ferrée, route et canal alimentent quotidiennement l'usine qui dévore des milliers de stères de bois.
A l'intérieur de l'usine qui emploie 600 ouvriers cadres et agents de maîtrise, on trouve :

Le stockage du bois

Le bois était acheminé vers des aires de stockage à l'aide de voies étroites et de charrettes tirées par des chevaux. Il y avait deux aires de stockages, une alimentée par la voie normale et une autre alimentée par le canal. 
Des péniches, Une grue à vapeur déchargeait directement les wagonnets qui étaient mis sur la voie de 60. Vu le nombre important de stères manipulées, la surface de stockage occupait une superficie étendue et la desserte en voie étroite était dense.
Les wagonnets qui servaient à la manutention du bois étaient des wagonnets plat à essieux, munis de 4 ranchers à chaque extrémité.

Le parc à bois en 1920. Les wagonnets à ridelles sont chargé à refus. 
1930. Noter le grand nombre des voies parallèles. Charrettes et wagonnets se côtoient.
carnet01_11.jpg (7944 octets) Le parc à bois en 1952. Déchargement du bois acheminé par la voie ferrée.
carnet01_12.jpg (129585 octets) Manutention des wagonnets vides. Noter les 4 ridelles à chaque extrémité. Au fond un cheval qui devait assurer la manœuvre des vides.
carnet01_13.jpg (118856 octets) Dans la cour de l'usine, un locotracteur desservant le parc en 1952 passe devant le centre social et les bureaux.

Les séchoirs

Près de l'aire de stockage il y avait les séchoirs dans lesquels pas moins de 10 voies parallèles donnaient accès et sur chacune d'elle des rames de 8 ou 10 wagonnets pleins.
Les séchoirs servaient à extraire l'humidité contenue dans le bois avant son traitement chimique dans les fours.

carnet01_14.jpg (4979 octets) 1926. Les premiers séchoirs à bois. A gauche une rame est introduite dans le séchoir.
carnet01_15.jpg (5984 octets) Les séchoirs en 1962. Noter le nombre important de voies et de wagonnets. Une voie perpendiculaire sectionne le faisceau.

L'alimentation des fours

L'alimentation des fours, quelque soit la technique ancienne ou moderne, fait appel à la voie de 60.

carnet01_16.jpg (3840 octets) Refroidissement des cornues en 1920.
carnet01_17.jpg (4229 octets) Remplissage d'un wagonnet cornue.
carnet01_20.jpg (5616 octets) Les wagonnets sont au sol. Le skip va les monter au sommet des fours, dans lesquels, ils seront vidés.
carnet01_21.jpg (3694 octets) Wagons étouffoirs

Le charbon de bois

Le charbon de bois sort de l'atelier de criblage et est acheminé au parc à refroidissement ou chargé directement en vrac dans des wagons à voie normale.

carnet01_22.jpg (4273 octets) Chargement de vrac de charbon de bois dans un wagon tombereau à l'aide d'une sauterelle.

Les fabrications diverses

Les sous produits de la distillation du bois sont les acétates, l'acide acétique et l'acétone

Acétate et acide acétique, des sous-produits dérivés.
carnet01_23.jpg (2521 octets) Transport d'acétone, solvants, méthylènes dans un wagon citerne de 60 m3 de la SPPC.

La vapeur

La vapeur était produite par 10 chaudières de la centrale thermique, alimentées par de la houille, du goudron résiduel ou des huiles de bois, parfois par les gaz récupérés de la carbonisation.

Le parc à houille, déchargement des péniches à l'aide d'une grue à vapeur. 1923.

Les ateliers d'entretien

Les ateliers d'entretien couvraient tous les corps de métiers tels que menuiserie, chaudronnerie, mécanique, charronnage, réparation des wagons.

L'atelier de réparation des grands wagons de la SPCC.

Les bûcherons

Le bûcheronnage était une activité essentielle en amont et la Société Forestière, au capital de 100 000 000 Francs, avait été constituée pour acheter, exploiter, transporter et commercialiser le bois vers l'usine ou des tiers.

Les activité annexes

La diversification  implique la création d'autres établissements tels que l'usine de La Rochette capable d'accueillir de nouvelles fabrications.

La SPCC a exploité également une usine de désétamage dans son établissement de Port-Bonneau où on récupérait l'étain. Les déchets de fer blanc des fabricants de boîtes métalliques arrivaient de toute la France. Le chlore se combine avec l'étain contenu dans le fer blanc pour former du bi-chlorure d'étain. Le fer pur est ensuite renvoyé vers les hauts fourneaux et fours Martin par paquets de 70 kg.
Le bichlorure d'étain servait à fabriquer d'autres sels d'étain utilisés dans l'industrie. La production annuelle atteint 30000 tonnes par an.

La SPPC possèdait une institution de prévoyance, des oeuvres sociales, un centre médico-social, une école ménagère. C'est dire si l'usine tenait une place dans cette petite ville de la Nièvre.
Des colonies de vacances étaient organisées par la société qui possédait même un hôtel et un casino, sans compter les logements pour l'encadrement et le personnel.
Elle possédait même une chapelle à l'architecture très réaliste.
La SPCC était une grande famille où rien n'était laissé au hasard.

Sources : Société des produits Chimiques de Clamecy de 1853 à 1953. Livre édité pour le soixantième anniversaire.
Rhône-Poulenc 1895-1975 Pierre Cayez Collection "histoire de l'entreprise" Ed. Armand Colin/Masson  1989
Le premier livre m'a été offert par un groupe de stagiaires que j'ai accompagnés lors d'un stage d'Agent de Maîtrise chez Rhône-Poulenc.
C'est à eux que je dédie, ces modestes lignes.
MAD

La première fois que je suis allé en mission à l'usine, j'ai demandé à visiter le site, c'était en 1992, il ne restait plus rien des installations évoquées, l'usine s'étant reconvertie à une chimie plus fine.
J'ai cependant pu voir des morceaux de voie dans des ateliers désaffectés, rendus à la friche.
Dans la cour, devant le bâtiment administratif, il y avait encore un locotracteur en monument, pour attester de la présence de la voie étroite.

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